Une nouvelle échelle d’intensité simplifiée pour décrire les impacts et dommages provoqués par les séismes
Devra-t-on éternellement s’en remettre à des échelles basées sur les dommages aux bâtiments pour décrire l’intensité et les effets des séismes?
Depuis plus de 3 décennies, la caractérisation de l’impact des séismes est universellement réalisée à l’aide d’échelles d’intensité basées les effets ressentis dans les bâtiments ou les dommages à ces derniers. C’est le cas de l’échelle européenne EMS98 qui comporte 12 niveaux de dommages différents ainsi que l’échelle américaine MMI qui, elle comporte 10 niveaux.
Ces échelles sont donc des outils de spécialistes des risques sismiques. Les campagnes de terrain pour l’inventaire et l’évaluation des dommages dans les jours qui suivent les séismes requièrent du temps et des outils spécialisés, de équipes nombreuses.
Des tentatives pour simplifier ces échelles et les rendre plus accessible aux non spécialistes existent et utilisent des dessins ou en réduisent le nombre de niveaux d’intensité.
Cela a donné lieu à la naissance des premiers services en ligne (web et app) de renseignement sur les intensités et d’évaluation des dommages à travers les témoignages d’effets ressentis ou vus par les citoyens présents, témoins ou victimes. L’USGS aux USA, le BCSF en France (Bureau central Sismologique Français) ont été des précurseurs dans ce domaine, suivi par le CSEM (Centre sismologique Euro-méditerranéen) qui a développé une app smartphone et un système d’exploitation et de partage très rapide et performant. Ils proposent tous un service web et une app smartphone pour témoigner rapidement et restituer en quasi temps réel des cartes de distribution des intensités avec une bonne fiabilité. Cependant ces portraits rapides restent essentiellement basés sur les échelles de descriptions de dommages aux bâtiments.
Ces échelles et les outils grands publics de qualification d’intensité ne se réfèrent que peu ou pas aux dommages et aux effets sur l’environnement, les infrastructures en environnement urbain ou rural.
Il est certain, qu’indépendamment de la vulnérabilité locale fortement liée aux pratiques de construction, les échelles d’intensité fondées sur les dommages aux bâtiments ont jusqu’à aujourd’hui été les meilleurs indicateurs pour déterminer un niveau de dommage global, de gravité, de nombre de victimes possibles. Mais la majorité des autres conséquences des séismes ne sont pas déductibles directement de ces niveaux d’intensité évalué rapidement et globalement, via les reports par internet ou par les applications smartphone, pas plus que des effets de site locaux, ou le niveau de dommage surpasse le niveau moyen environnant.
L’agitation des plans d’eau, les glissements de terrain, les chutes de blocs, les incendies, les fuites de gaz et d’eau, les effondrements de ponts et interruptions de trafic routier, les pertes d’énergie ou de communications, et d’autres services, sont communs dans les séismes importants et ne peuvent être décrits ou localisés avec les échelles d’intensité classiques.
Un nouveau cadre d’échelle d’intensité de dommages
Ces limites peuvent être dépassées en exploitant des échelles d’intensité décrivant d’autres effets que les simples dommages aux bâtiments en zones urbaines ou rurale. Le nombre de marqueurs possibles est grand mais pour être intégré dans une échelle d’intensité, un marqueur doit présenter à la fois la possibilité de différencier plusieurs niveaux de dommages, bien séparables et reconnaissables, universellement reconnaissables, ou être spécifique à une gamme très étroite de niveau d’intensité d’un séisme.
SIGNALERT a développé un système d’échelle d’intensité conçu pour une description factuelle et non ambigüe des effets de phénomènes naturels observables ou ressentis universellement.
Les descriptions des manifestations du phénomène source (amplitude physique) et des leurs effets sur les enjeux (impacts, dommages) sont séparées en deux échelles parallèles et non directement corrélées.
Pour rendre ces échelles accessibles à quiconque, un critère supplémentaire est que les marqueurs observables doivent rester simples à identifier et permettre de séparer les échelles en maximum de 3 à 5 niveaux d’intensité. Ces marqueurs doivent être les plus universels possibles et correspondre à des objets très largement répandus et présentant des formes similaires où que soit faite l’observation dans le monde, facilement visibles dans notre environnement habituel et sans prendre de risque pour les voir.
Comme pour d’autres applications ou questionnaires sur les effets des séismes, le principe est de choisir pour chaque question la réponse la plus proche de l’observation ou du vécu lors de l’évènement. L’usager ne répond qu’aux questions qui correspondent à l’environnement dans lequel il se trouve.
Un point clé est que chaque niveau de l’échelle soit facilement distinguable d’un autre. Le vocabulaire utilisé est usuel, non technique ou moins que dans les échelles courantes afin de permettre la compréhension à un vaste public n’ayant pas de bases scientifiques ou techniques.
Dans ces conditions, une échelle d’intensité est compatible avec un usage dans notre application smartphone de cartographie participative pour les phénomènes naturels, les risques et désastres.
Ce principe a été appliqué avec succès à plusieurs types de risques et lorsqu’une échelle d’intensité d’usage international existe pour un phénomène, les niveaux de nos échelles simplifies ont été calés sur l’échelle préexistantes. Dans le cas d’échelles à niveaux nombreux telles que EMS98 ou MMI, plusieurs niveaux agrégés de ces dernières correspondent à un seul niveau de notre échelle simplifiée.
Cette démarche appliquée à l’aléa sismique nous a permis d’introduire une nouvelle échelle d’intensité ressenties et de dommages. Cette échelle est accessible dans l’application et sur nos interfaces de webmapping. Les descriptions de dommages sont maintenant étendues des simples dommages au bâti à des multiples effets sur l’environnement, les infrastructures et les réseaux.
Pour ce qui concerne les manifestations physiques du phénomène source, ressenties par les témoins utilisant l’app smartphone, les indicateurs suivants peuvent être décrits en 3 ou 4 niveaux d’intensifié :
- votre situation (en intérieure, en extérieur, en voiture)
- bruits entendus
- instabilité ressenties
- durée des secousses
- oscillation, basculements, ressenties
Les dommages et les impacts sur différents types d’enjeux, peuvent être décrits en 4 niveaux d’intensité :
- dommages à l’environnement
- dommages aux bâtiments (calés sur EMS98 et MMI)
- dommages aux réseaux et infrastructures
- dommages sur les personnes et les animaux
L’app propose aussi la description de chutes de blocs, d’inondations, avec des échelles d’intensité similaires, permettant ainsi de reporter des effets fréquents de séismes à partir d’un certain niveau d’intensité, chose impossible avec les échelles classiques MSK, MMI ou EMS98.
AVANTAGES, INCONVENIENTS
La nouvelle échelle d’intensité introduite avec l’app smartphone peut être utilisée n’importe où pour décrire les marqueurs de perturbation ou de dommages observés ou ressentis par un témoin pendant ou après le séisme.
Découpler l’intensité ressentie et les dommages observés permet de décrire l’impact indépendamment de la vulnérabilité locale et les effets de site locaux sont mieux décrits.
Il est vrai qu’une description d’impact en 3 à 5 niveaux fournit une évaluation moins précise que les échelles classiques à 12 niveaux. On peut parier que cela sera compensé par une description plus variée des impacts environnementaux, avec un outil accessible à plus de témoins.
De plus, l’application smartphone fournit des conseils de comportement par type de phénomène, informe sur ce qu’il faut faire ou ne pas faire, pendant ou après un désastre pour différents types de risques. L’app comporte également un bouton d’urgence « je vais bien » (version payante), afin d’avertir ses proches de sa situation et de sa localisation.
Le futur
Introduire une nouvelle échelle d’intensité est un défi et demandera plusieurs centaines d’alerte lors de prochains séismes pour prétendre commencer à analyser statistiquement l’utilité et la pertinence des marqueur d’intensité, de dommages et des seuils de séparation des niveaux d’intensité. La description des dommages demandera aussi un benchmarking avec les systèmes existants de descriptions de dommages sismiques. Le projet fera surement face à des critiques d’usagers intensifs des échelles classiques existantes et requiert des tests sur plusieurs séismes d’intensité variées.
L’échelle de description des séismes est améliorable. Les communautés des sismologues, des protections civiles, des responsables territoriaux intervenant en situation post-crise sont invitées à tester, utiliser, critiquer, améliorer l’échelle d’intensité sismique en communiquant leurs avis.
Les alertes envoyées avec l’app signalert peuvent être partagées entre utilisateurs de l’app ou via les réseaux sociaux depuis l’app et notre API rend les alertes interopérables avec d’autres sources de données temps réel.
L’app Signalert est gratuite et disponible sur Appstore et Googleplay.